Dans la nuit du 6 au 7 août 2016, un pan gigantesque de la falaise au Port de Saint Martin s'est effondré, arrachant et écrasant l'échelle de métal qui permettait depuis des décennies aux Saint Martinais, estivants comme habitants, et aux amateurs de lieux pittoresques d'accéder à la mer. L'éboulement s'est, semble-t-il, poursuivi les jours suivants. Un coup de semonce avait été déjà donné quand au printemps, en amont, à quelques mètres de la descente, un pan de taille plus réduite s'était abattu, faisant disparaître les "grottes" qui servaient aux pêcheurs pour y mettre leur matériel à l'abri. Les ânes et mulets de l'exploitation du galets, ainsi que l'outillage et leurs équipements, harnais et bâts, étaient parqués dans une grotte servant d'écurie du côté aval, vers les Petites-Dalles. Il y avait dans cette grotte la place pour quatre animaux. |
Ce qui reste du Port le 14 aout 2016... |
Une
alarme avait retenti quand le galet lui même s'était totalement retiré
de l'estran, laissant les flots saper la paroi calcaire. Des témoins
s'en étaient vivement inquiétés d'ailleurs, annonçant que ce phénomène
"n'était pas un bon présage". Et voilà. Ce matin, 15 août, des géants de calcaire striés de silex gisent en contrebas, la descente est éventrée comme si elle avait été dynamitée. Les vagues calmes lèchent les premiers blocs qui ont roulé le plus loin. L’échelle est broyée, désarticulée sous une masse inerte. Le limon qui surplombait auparavant la paroi est désormais affaissé à quelques mètres du rivage. |
Nouvel éboulis en juin 2016 ( source www.les-petites-dalles.org ). |
L’estran sans son cordon de galet protecteur en janvier 2016 ( source www.les-petites-dalles.org). |
La faille vertigineuse. |
Le
Port de Saint Martin était une descente plus que pittoresque. Elle
était une voie encaissée dans une faille de la falaise, en bas d'une
valleuse aux aspects irlandais par ses vertes prairies toujours rases,
riantes aux printemps, fraîches en été, ventées à l'automne, et
mordantes en hiver. L'on se souvient de ces tempêtes d'équinoxe qui
transformaient la faille en un torrent de vent hurlant auquel
répondaient les lames en contrebas venant se briser sur la grève. Il
arrivait même que des galets remontent le boyau roulés par les
bourrasques. |
Promeneuse en robe longue dans la faille du Port. |
Lavandière ou "laveuse" qui descendait le linge dans une hotte pour le rincer dans les sources de pied de falaise. |
Autre vue de la corniche. |
Après
avoir descendu la valleuse où sinuait parfois après les orages un petit
cours d'eau, on arrivait sur le terre-plain en haut de la descente qui
se séparait en deux failles. L'une impraticable qui permettait aux eau
de ruissellement de s'abattre dans une retentissante chute d'une
quinzaine de mètres sur le galet. L'autre qui semblait s'enfoncer sans
fin dans les entrailles de la craie pour enfin déboucher sur une
corniche d'où descendait semblable à une échelle de coursive, une volée
de barreaux de métal qui semblaient fragiles tant ils étaient rouillés. Au 20e siècle, les estivants se garaient en une longue files de voitures d’où sortaient lanais, caudrettes, paniers à bouquets, avant de descendre la marmaille sur le platier. Des amateurs de bain de mer et de bain de soleil étendaient leurs serviettes sur l’étroit cordon de galets. |
En
somme des gens qui préféraient l’intimité d’une petite valleuse
encaissée aux plages ouvertes et alors bondées par les “juilletistes et
aoûtiens”. Au 19e siècle, cette corniche se prolongeait vers l'amont comme un chemin de ronde médiéval avant de laisser les promeneurs encostumés et les promeneuses en robe longue descendre par une échelle plus petite fouler la grève. Les ramasseurs et ramasseuses de galets eux descendaient quotidiennement dans leurs rudes habits de normands cauchois industrieux et affairés. |
Plus vieille mention de la descente de St Martin, 1625. |
Quelques
décennies auparavant, une arche monumentale surnommée l'Arche de Saint
Martin "plus grand monument du littoral après celui d'Etretat" relate
un guide touristique contemporain, s'avançait dans le vide comme
un arc de voûte d'église. Elle reçut plusieurs noms : Descente de Saint Martin, Port de Saint Martin, Echelle de Saint Martin, "Le Port", descente du Val, “Petit Port” et même "petite rade de Septimanville" racontent les cartes anciennes. Ces noms montrent que le
Port était autrefois l'accès principal des Saint Martinais à la mer, du
moins pour ceux qui habitaient les hameaux du Val, de l'Eglise, du
Marché, et de Tournetot. D'ailleurs des commerces au hameau du Val y
attendaient le retour des pêcheurs d'estran.
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Le Petit Port en 1824-25. |
Le premier éboulis juste en amont de l'échelle, photo prise le 7 juillet 2016. Pierre Wallon |
Le deuxième éboulis dans la nuit du 6 au 7 août, en aval. Photo du 18 août 2016. Pierre Wallon |
Autre vue de ce deuxième éboulis qui a emporté l'échelle. Photo du 18 août 2016. Pierre Wallon |